Entretien avec François Cuillandre

Publié le 02/10/2025

Sillage n°268, octobre 2024. La rentrée passée, les projets de la collectivité se poursuivent à un bon rythme, et ce malgré un contexte national complexe. Point d’étape avec François Cuillandre, président de Brest métropole et maire de Brest.

Un homme à son bureau ouvrant un dossier
François Cuillandre, président de Brest métropole et maire de Brest - ©Franck Betermin

Que retenez-vous de ces derniers mois pour Brest métropole ?

Je voudrais d’abord revenir sur l’été. Avec la saison extraordinaire du Stade Brestois, le retour des Fêtes maritimes, Brest au Rendez-vous, les Jeudis du port, les rendez-vous dans les quartiers et le très bon résultat de nos athlètes aux Jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons vécu un été exceptionnel.

Dans un contexte difficile, sachons nous réjouir de ces réussites.

Depuis, l’heure de la rentrée a sonné…

Oui, et les travaux de Mon réseau grandit avancent dans les temps. Cette période de gêne intense générée par le chantier se termine. La situation devrait commencer à s’améliorer à partir des mois de décembre-janvier. Une partie du chantier du centre-ville sera alors achevée. Dès novembre, les aménagements du bourg de Lambézellec seront terminés. À Bellevue, les travaux sur les avenues de Provence et de Tarente seront achevés début 2025.

Du côté de la rentrée scolaire, elle s’est bien passée. À Brest, nous avons pu profiter de l’été pour réaliser des travaux dans les écoles. Sans compter la rentrée étudiante, car nous sommes une ville universitaire et formatrice. Cette jeunesse représente un vrai atout pour l’avenir.

Je suis donc confiant dans nos atouts et la réalisation de nos engagements. Je suis plus inquiet du contexte national et économique.

Pourquoi ?

La situation financière de l’État est très inquiétante et certaines déclarations cherchant à faire porter le chapeau aux collectivités locales inquiètent tous les élus locaux. Alors que les collectivités ne sont en rien responsables de ce déficit, ces déclarations sont sans doute destinées à préparer de mauvaises nouvelles avec des baisses de dotations, alors même que le précédent gouvernement a tout fait pour réduire notre indépendance financière.

Justement, quelles conséquences pour les habitants de Brest métropole ?

Comment maintenir un service public local de qualité et des investissements pourtant essentiels à nos concitoyens dans ces conditions ? Chaque jour, je reçois des courriers, des appels au secours dans le domaine du logement. Dans le même temps, les offices HLM se sont vus ponctionner des moyens, et j’observe que certains grands acteurs privés abandonnent certains de leurs projets. On a l’impression que l’État ne prend pas la mesure de cette souffrance.

Que peut faire la collectivité dans ce contexte ?

Notre ligne de conduite a toujours été la même : soutenir, dans la mesure de nos moyens, les plus fragiles. Nous avons par exemple mis en place un chèque eau à la métropole. À Brest, nous avons baissé les tarifs de cantines scolaires pour 75 % des familles, avec des repas gratuits pour les enfants des familles les plus modestes. Cette solidarité du quotidien reste notre priorité.

Nous avons aussi maintenu notre soutien aux associations et continuons d’accompagner les acteurs de la solidarité qui voient le nombre de leurs bénéficiaires augmenter de façon préoccupante.

Tout cela met-il en danger les grands projets en cours ?

Non ! Investir dans Mon réseau grandit, c’est permettre demain un accès plus facile à l’hôpital, aux sites universitaires et la gare. C’est mieux desservir les quartiers de Bellevue et de Lambézellec. En 2025, nous lancerons d’autres chantiers, l’aménagement d’un parking en ouvrage place Duquesne. Nous engagerons une deuxième tranche de travaux de rénovation énergétique de bâtiment municipaux avec les écoles de Kérichen et du Petit Paris, les Patronages laïques du Pilier rouge et du Bergot et la Maison pour tous de Bellevue. Nous poserons prochainement la première pierre du futur Foyer du port. Nous poursuivrons nos opérations de renouvellement urbain à Bellevue et Recouvrance, l’extension du réseau de chaleur… Les travaux d’aménagement du centre bourg de Guipavas vont également débuter ainsi que la modernisation du musée de la Fraise à Plougastel.

La collectivité peut donc assurer son développement seule ?

Notre action a des limites : celles de nos moyens financiers. Malgré nos efforts de gestion, nous ne pouvons pas tout régler et compenser de ce qui relève de la solidarité nationale et de l’État. Je pense au logement, à la sécurité et à la santé, qui sont trois préoccupations majeures des habitants. Nous faisons notre part, nous soutenons l’hôpital et l’université en les reliant au tram, en cofinançant certains investissements. Sur la sécurité, nous avons ouvert un lieu d’accueil des victimes et avons créé et continuons de développer notre brigade de tranquillité urbaine, nous participons au financement de travaux de modernisation des locaux de la police. Mais ce mouvement de transfert des charges et des responsabilités, du national vers le local, renforce les inégalités. Voulons-nous demain d’un pays où les territoires riches pourront se payer les meilleures universités, les meilleurs enseignants, des médecins, des policiers supplémentaires et les moins riches, dont nous sommes, se voir reprocher de ne pas faire assez ?

Vous n’avez pas évoqué le nouveau stade ?

Le dossier avance. Le permis de construire a été déposé et est en cours d’instruction.

Ce nouveau stade, c’est une affaire de cœur et de raison. Notre cœur est attaché au stade Francis Le Blé. Mais l’étude que nous avons demandée est claire : le mettre à niveau est impossible. Nous n’avons pas suffisamment de terrains disponibles et les incidences pour les habitants situés à proximité seraient insupportables. Il nous faudrait détruire un immeuble et doubler la hauteur des tribunes Arkéa et Quimper. Financièrement, cela nécessiterait un investissement de 50 ou 60 millions d’euros, essentiellement porté par les contribuables de la ville de Brest. Si nous voulons garder un club de foot de haut niveau, la raison nous dit qu’il faut impérativement un nouveau stade : nous sommes aujourd’hui obligés d’aller jouer les matchs de coupe d’Europe à Guingamp ! C’est pourquoi je suis favorable au projet porté par le Stade Brestois.

Son coût reste pourtant lourd…

Son montage financier est innovant : contrairement à un stade 100 % public, qui peut se retrouver du jour au lendemain sans locataire, la formule proposée est équilibrée et les risques sont équitablement partagés entre le privé et le public.

Enfin, j’ai la conviction qu’il faut que nous soyons au rendez-vous de l’ensemble des forces vives de ce territoire qui sont derrière ce projet. Ce n’est pas le stade de Brest que nous allons faire, c’est celui de tout un bassin de vie, pour 80 ans.

Comment voyez-vous la suite de ce mandat ?

Il a été singulier depuis le début, et traversé par de nombreuses crises que nous n’imaginions pas. Le Covid, les émeutes urbaines, la sécheresse en 2022, la guerre aux portes de l’Europe, la tempête Cíaran, l’instabilité parlementaire : nous n’avons pas été épargnés ! Malgré cela, nous avons tenu le cap. Je voudrais d’ailleurs saluer l’engagement de nos agents et des élus. Nous avons su à chaque fois nous adapter, trouver les meilleures solutions et nous continuerons à le faire. C’est la force de l’action locale, au plus près de nos concitoyens.